La honte du journaliste politique
Je suis journaliste politique et je couvre la campagne de Ségolène Royal. En sortant de l’Ecole de journalisme, je me voyais déjà polémiquer sur les théories économiques, parler de la France dans le monde, mettre les candidats en difficultés sur le chiffrage de leur programme politique,.. C’était sans compter sur la politique-réalité où on parle de tout sauf de programme et de politique. Tenez, voici la dernière merde que je viens de pondre. Et si vous ne me croyez pas, lisez la presse quotidienne et vous verrez que je ne suis pas le seul à tomber aussi bas.
C’est une journée champêtre qu’a vécue hier Ségolène Royal dans sa région. D’abord dans une ferme de Benassay (Vienne) où elle a dit "son bonheur" d’être là "en toute simplicité" pour "un moment de plaisir", en serrant un agneau dans ses bras. En quittant la ferme, elle a glissé sur une bouse de vache et se serait étalée sur le sol si la main solide du fermier ne l’avait retenue. Elle le remercia en souriant.Elle est ensuite partie pour Melle (Deux-Sèvres), son fief où elle possède une maison, et elle a pris un café à la terrasse d’un établissement du centre. Nous sommes en janvier mais le soleil chauffe déjà comme au printemps. Le patron, qui la tutoie depuis l’enfance, trébucha et manqua de renverser la tasse sur son tailleur blanc. Hé bien, Gilbert, je te trouble à ce point ? dit-elle. Et ils partirent ensemble d’un éclat de rire. Quelle journée !Elle s’est ensuite dirigée vers un hameau à trois kilomètres où des agriculteurs producteurs de chanvre l‘attendaient. L’accueil fut chaleureux avec un repas convivial pris dans la salle à manger rustique sur une nappe à carreaux rouges et blancs. L’arrivée de la galette des rois déclencha un Oh ! d’admiration. Et quand Julien montra à tous la fève qu’il venait de trouver dans son morceau, les applaudissements crépitèrent et on entendit même des cris : la bise ! la bise ! Mais déjà il fallait rompre le charme et poursuivre la visite. En quittant sa place, Ségolène accrocha son bracelet fantaisie au gilet de son voisin de table. Un incident vite oublié dans le brouhaha général de fin de repas.Sur ce, elle fit un petit signe de la main au facteur du village qui passait par là à vélo et s’engouffra dans sa limousine noire qui la mena à vive allure vers la gare. Elle regrettait déjà le calme de cette campagne profonde car elle savait que la campagne qui l’attendait serait bien plus tumultueuse. Heureusement le temps sec a évité qu’elle ne crotte ses bottines noires.
Voilà le chef d'oeuvre. Et comme dit ma candidate : "Il ne faut pas gadgétiser une échéance électorale importante. Car c’est l’avenir de la France qui se joue". Putain de politique !